La contribution d’Internet à la lutte contre Ebola: cartographier la Guinée
Ça a l’air d’un simple détail technique, et pourtant, cette initiative risque fort d’être décisive. Alors que le pays est victime d’une épidémie d’Ebola, des humanitaires d’un nouveau genre ont cartographié la Guinée et les régions touchées pour aider les soignants à se repérer dans le pays, mais aussi et surtout à localiser les différents foyers d’infection.
«Quand les docteurs de Médecins Sans Frontières (MSF) sont arrivés en Guinée le mois dernier, ce pays d’Afrique de l’Ouest, pour combattre l’épidémie de la fièvre hémorragique mortelle Ebola, ils se sont retrouvés sans aucune information», raconte le site New Scientist. Aucune carte correcte de la région n’était à leur disposition.
Un vide visible notamment sur le très populaire service de cartes de Google, comme le résume Gizmodo:
«Si vous cherchez sur Google Map Guéckédou, la ville guinéenne qui est en ce moment au beau milieu du territoire mortel du virus Ebola, vous ne verrez qu’une tache abstraite de beige et de jaune. Si vous zoomez en vue satellite, vous pourrez à peine distinguer les contours des bâtiments. […] Il n’y avait aucune bonne carte de Guéckédou –jusqu’à ce que le bon peuple de l’Internet aide à en créer une.»
Ces bons samaritains sont nombreux. Il s’agit de l’équipe humanitaire d’OpenStreetMap (HOT), du nom du service de cartographie sous licence libre sur Internet. A la demande de MSF, ils ont réussi à cartographier la ville de Guéckédou, de 220.000 habitants, «en moins d’un jour», reprend Gizmodo. Il y a aussi les «Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel» (Visov), qui ont réalisé, également sur OpenStreetMap, une carte qui retrace avec précision les différents cas.
Un effort collectif qui a mobilisé près de «200 volontaires à travers le monde», raconte encore New Scientist, qui ont placé «100.000 bâtiments en se basant sur des images satellites de la région».
Sylvie de Laborderie, une représentante de cartONG, organisation non gouvernementale de cartographie qui travaille avec MSF et OpenStreetMap, raconte cette expérience sur le site: du 31 mars 2014 où les cartes «ne montraient rien, rien, deux routes peut-être» à ces «trois villes cartographiées en moins de 20 heures».
Un coup de pouce qui peut bien s’avérer décisif dans le cas très particulier d’Ebola, virus contagieux dont le taux de mortalité peut atteindre les 90%, rappelle Wired. Car «le seul moyen de s’en débarrasser est de s’assurer que les équipes d’urgence obtiennent la bonne information dès que possible».
Au tracé des villes guinéennes, il est ainsi possible de voir également sur les cartes d’OpenStreetMap où des patients ont été diagnostiqués porteurs du virus Ebola et à quelle date, leurs éventuels déplacements, les foyers qui comptent des décès, les lieux où les secours ont installé des centres d’urgence. Ceux aussi, où ces derniers sont attaqués par la population: la violence d’Ebola, et les mesures sanitaires que le virus impose, provoquent en effet des mouvements de panique dans lesquels les soignants sont suspectés d’être coupables de l’infection, détaille encore Wired.
La carte OSM de Conakry, en Guinée, par le Visov.
Au 12 avril, près de 200 cas de patients ont été rapportés, dont plus de 120 décès, en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia. Depuis 1976, date à laquelle le virus a été pour la première fois identifié, différentes épidémies ont éclaté en Afrique, provoquant jusqu’à plusieurs centaines de morts, indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
C’est la première fois néanmoins que l’épidémie affecte plusieurs pays en même temps, selon Wired qui cite notamment un humanitaire de la Croix Rouge.
Certains pays ont fermé leur frontière, à l’instar du Sénégal, quand d’autres, comme le Maroc, déploient un dispositif de surveillance resserré. De son côté, la France a donné des consignes de vigilance aux compagnies aériennes dont les avions sont en provenance des pays concernés par le virus.
S’il n’est pas transmissible directement par voie aérienne, rien n’empêche néanmoins que le virus Ebola, aidé par sa longue période d’incubation et des premiers symptômes susceptibles d’être confondus avec d’autres maladies, se diffuse «par le canal des transports aériens», écrivions-nous début avril.
A.F.
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