Arrêtez de fumer, vous dormirez mieux
Généralement le fumeur dort mal. Une équipe de l’Université de Rochester a découvert pourquoi. Ses résultats sont publiés dans le dernier numéro (janvier 2014) de la revue de la Fédération des sociétés américaines de biologie expérimentale. Il est ici question de l’horloge dite «circadienne» (ou biologique) et d’une molécule aux propriétés antivieillissement. L’horloge biologique en question est constituée d’une forme de câblage neuronal situé dans une région particulière du cerveau (le noyau suprachiasmatique) qui, chez les mammifères, contrôle de multiples rythmes biologiques.
Résister au stress
La protéine concernée est la «sirtuine 1» (ou Sirt1, acronyme de «silent information regulator 1»), une molécule codée par le gène du même nom. C’est une enzyme qui intervient dans différents processus biologiques comme l’inflammation, les mécanismes énergétiques, la résistance au stress, le vieillissement cellulaire et les rythmes biologiques. De nombreuses données laissent penser que son action est protectrice contre différents mécanismes conduisant à la sénescence.
Le travail de l’équipe dirigée par le Pr Irfan Rahman (Département de médecine, division endocrinologie et métabolisme, Centre médical de l’Université de Rochester) a consisté à décrypter les mécanismes par lesquels la fumée du tabac affecte l’expression de certains gènes. Et comment elle perturbe le fonctionnement de l’horloge circadienne, à la fois dans les poumons et le cerveau.
Souris et fumeurs atteints de broncho-pneumopathies
On découvre à cette occasion que la fumée du tabac perturbe deux gènes clés de notre horloge biologique en induisant une inflammation. En très peu de temps, la fumée a pour conséquence de réduire les niveaux de la protéine «sirtuine1» (Sirt1). Ceci entraîne à son tour une réduction des niveaux d’une autre protéine de l’horloge: la Bmal1 (pour Brain and muscle Arnt-like protein-1). Ce phénomène a été observé à la fois chez la souris de laboratoire et dans les tissus pulmonaires de fumeurs atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Les scientifiques ont exposé des souris génétiquement déficientes en Sirt1 à la fumée de tabac de manière chronique (six mois) ou aiguë (quelques jours). Ils ont alors observé une baisse spectaculaire de leur activité locomotrice. A l’inverse, lorsqu’ils «réactivaient» la protéine anti-vieillissement, l’effet était atténué. D’autres résultats indiquent que la baisse de la protéine BMAL1 régulée par Sirt1 entraîne une perturbation du cycle de l’horloge biologique. Ce phénomène est mis en évidence à la fois chez la souris et chez les fumeurs.
Aider à se sevrer
Faut-il en savoir plus pour conclure? Perturbant (aussi) le fonctionnement de l’horloge circadienne, la consommation de tabac a des effets négatifs sur le sommeil. Des effets biologiques qui, se cumulant à d’autres, peuvent induire des dysfonctionnements cognitifs, des troubles de l’humeur, des tableaux dépressifs et/ou anxieux. Ces éléments s’ajoutent à tous ceux qui ont depuis un demi-siècle amplement démontré la nocivité de l’inhalation de la fumée de tabac sur l’arbre pulmonaire mais aussi sur l’ensemble de l’organisme.
Personne ne conteste plus (pas même les fabricants de cigarettes) que la consommation prolongée de tabac est responsable de la mort prématurée d’un fumeur sur deux. Mort causée par des affections cancéreuses, cardiovasculaires ou pulmonaires. Faire comprendre au fumeur qu’il retrouvera (entre autres bénéfices biologiques et économiques) un sommeil de qualité peut être un argument de plus pour l’aider à se sevrer.
J.-Y.N.
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