Cancer : comment une combinaison de médicaments existants pourrait empêcher la croissance des tumeurs
Pour qu’une tumeur devienne dangereuse, elle doit croître et développer des vaisseaux sanguins lui permettant de s’approvisionner en nutriments et en oxygène.
Couper cet approvisionnement en empêchant la tumeur de se vasculariser constitue donc une stratégie de lutte contre le cancer explorée depuis une dizaine d’années.
Adama Sidibé de l’Université de Genève (UNIGE) et ses collègues ont identifié deux cytokines (molécules messagères du système immunitaire) qui interviennent dans le processus de vascularisation des tumeurs. Leurs découvertes « suggèrent qu’une utilisation combinée de médicaments déjà existants ou en cours de développement permettrait d’en augmenter significativement l’efficacité
».
Le communiqué de l’UNIGE explique :
«
Les cellules endothéliales forment la couche interne des vaisseaux sanguins – l’endothélium – et ont la fonction de contenir le sang à l’intérieur des vaisseaux tout en permettant le passage des substances nutritives aux tissus. Quand un nouveau vaisseau est nécessaire, ce sont les cellules endothéliales qui dirigent le processus en autorisant le recrutement des cellules sanguines indispensables à la néovascularisation, aussi appelée angiogénèse.
Les monocytes, quant à eux, font partie des globules blancs circulant dans le sang. Eléments clés du système immunitaire, ils ont aussi la capacité de se transformer en plusieurs types de cellules une fois passée la barrière endothéliale, afin de remplir différentes fonctions selon le tissu concerné. Une sous-population particulière de monocytes a ainsi des propriétés angiogéniques et permet justement la vascularisation des tissus. En cas de cancer, la tumeur doit donc recruter ces monocytes pour se vasculariser.»
Comment empêcher la vascularisation des tumeurs ?
«
L’un des premiers traitements de ce type, mis au point dès 2004, vise précisément à ralentir la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins et empêcher la néovascularisation des tumeurs. Il s’agit d’un inhibiteur du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire, une cytokine appelée VEGF. Si ce médicament fait aujourd’hui encore partie de l’arsenal pharmaceutique contre le cancer, il a de nombreux effets secondaires indésirables, comme l’hypertension ou l’insuffisance rénale, et perd rapidement de son efficacité. (1)
D’autres stratégies visant globalement les monocytes ont ensuite vu le jour avec une efficacité limitée. Il existe en effet plusieurs sous-populations de monocytes, chacune ayant un rôle différent. C’est pourquoi une attaque massive et indiscriminée déséquilibre le système dans son entier, avec une conséquence importante : lorsque le traitement s’interrompt, les premiers monocytes à reprendre le dessus sont ceux qui aident les tumeurs à se développer. “Il était alors essentiel de connaître en détail les mécanismes de recrutement de la sous-population monocytaire en charge de la néovascularisation : cela devrait permettre d’empêcher leur recrutement, sans pour autant perturber le reste du système”, souligne Beat Imhof, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.»
Une étude en trois étapes :
«
Dans un premier temps, les chercheurs genevois ont observé les processus de vascularisation de cellules tumorales humaines issues de différentes lignées cellulaires. En effet, toutes les tumeurs n’ont pas la même agressivité, ni la même capacité angiogénique ; il s’agissait donc d’observer si le recrutement de ces cellules se déroulait différemment, selon le type de cellules malignes impliqué. Et effectivement, les scientifiques ont constaté une différence dans leur capacité à recruter les monocytes pro-angiogéniques. Le Dr Sidibé en explique le principe : “La capacité des tumeurs à recruter les monocytes angiogéniques est due à la capacité des tumeurs elles-mêmes à produire des cytokines. En effet, les tumeurs qui recrutent préférentiellement ces monocytes secrètent un certain nombre de cytokines, dont TNF-alpha et VEGF”.
Lors de la deuxième partie de leurs travaux, portant cette fois-ci sur des cellules issues de tumeurs primaires prélevées directement sur 27 patients, les scientifiques ont à nouveau identifié les mêmes cytokines.
Troisième étape : les chercheurs ont testé, dans un modèle in vitro de recrutement cellulaire, l’une après l’autre la dizaine de cytokines identifiées dans cette étude. Les cytokines TNF-alpha et VEGF se sont révélées particulièrement efficaces : TNF-alpha permet l’adhésion aux cellules endothéliales, alors que VEGF donne l’autorisation de traverser la paroi endothéliale. Or, les deux sont essentielles à l’angiogenèse.»
« Notre étude montre qu’il faut viser les bonnes cytokines au bon moment, et surtout qu’il faut utiliser les mécanismes que nous avons découvertspour définir de nouvelles lignes de traitements contre le cancer. Ainsi, combiner des médicaments qui existent déjà -contre VEGF, notamment- ou dont le développement est déjà bien avancé, permettrait d’optimiser leur efficacité, plutôt que les utiliser de manière distincte
», conclut le professeur Imhof.
Pour plus d’informations, voyez les liens plus bas.
(1) L’Avastin (bévacizumab) est un anticorps qui cible et inhibe le VEGF afin de couper l’approvisionnement en sang de la tumeur.
Psychomédia avec sources : Université de Genève, Nature Communications.
Tous droits réservés.
Actualités (psychologie, santé) | Psychomédia
Partagez sur