Faites vos jeux, ne fumez plus
En France, depuis près de sept ans, un décret interdit de consommer du tabac dans les lieux affectés à un usage collectif. Il s’agit notamment des transports, des débits de boissons, des casinos et cercles de jeu, des débits de tabac, des discothèques, des hôtels et des restaurants.
Généralement bien acceptée par les fumeurs, cette mesure est souvent perçue comme une forme de courtoisie vis-à-vis des non-fumeurs et vise pour l’essentiel à protéger ces derniers contre les effets du tabagisme passif. On peine encore toutefois à mesurer son impact en termes de santé publique.
Une controverse était rapidement apparue quant aux effets sanitaires, un groupe de travail missionné par le ministère de la Santé ayant cru pouvoir observer une chute de 15% du nombre des admissions aux urgences hospitalières pour infarctus du myocarde trois mois seulement après l’entrée en vigueur du décret. Un phénomène similaire a toutefois pu être mis évidence dans plusieurs pays européens. D’autres études ont conclu à des effets plus modestes, sans que l’on fasse ici précisément la part entre la réduction de la consommation de tabac par les fumeurs et la diminution de l’exposition des non-fumeurs au tabagisme passif.
Une étude menée aux Etats-Unis vient confirmer l’importance sanitaire que l’on peut accorder à cette mesure d’interdiction. Il s’agit des résultats d’un travail qui vient d’être publié dans la revue spécialisée Circulation et repris sur le site Medscape/Medpulse, qui conclut que l’instauration de la réglementation interdisant de fumer dans les casinos du Colorado a fait diminuer de près de 20 % les appels d’urgence aux ambulances pour infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou crise d’asthme. C’est la première étude qui démontre une association entre le tabagisme passif et le recours aux ambulances pour une hospitalisation en urgence.
Dirigée par le Dr Staton A. Glantz, spécialiste de cardiologie à l’Université de Californie à San Francisco, l’étude a été menée à partir de données recueillies entre 2000 et 2012 dans le comté de Gilpin, au Colorado. Les auteurs ont analysé l’impact sur les recours au service médical d’urgence de deux grandes mesures de santé publique. D’une part, l’interdiction du tabac dans les lieux publics (autres que les casinos), entrée en vigueur le 1er juillet 2006. D’autre part, l’extension de cette interdiction aux établissements de jeux le 1er janvier 2008.
Le terrain d’étude constitue un parfait modèle grossissant de l’impact de la consommation de tabac: 5.600 personnes y résident de manière permanente mais la population moyenne journalière atteint environ 40.000 personnes du fait de la fréquentation par les clients et les employés des vingt-six casinos répartis sur une surface de moins de 2 km2. Pendant les douze années cumulées de l’étude, les services médicaux d’urgence ont été appelé à 16.636 reprises: 10.105 dans des casinos et 6.531 dans d’autres lieux.
L’année suivant la mise en place de l’interdiction de fumer dans les lieux publics hors casinos, le recours aux ambulances pour urgences (cardiaques, vasculaires-cérébrales ou pulmonaires) en dehors des établissements de jeux a diminué de 22,8 %. Lorsque cette interdiction a été généralisée, le nombre des appels des casinos a diminué de 19,1% tandis que le nombre des appels émanant d’autres lieux n’était pas modifié.
«La généralisation de lois interdisant l’utilisation de tabac dans les casinos pourrait prévenir la survenue d’urgences médicales et ainsi faire économiser de l’argent aux différents Etats en terme de coût hospitalier et de transport médical», souligne le Dr Glantz. Outre-Atlantique, seuls dix-neuf Etats (et Puerto Rico) appliquent des lois strictes d’interdiction du tabac dans tous les lieux publics.
Jean-Yves Nau
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