La fréquence des naissances dans l’année évolue selon les pays
Le Livre de l’Ecclésiaste proclame qu’il existe un «temps pour naître». En fait, il semblerait que ce temps dépende de l’endroit où on naît.
Le nombre de naissances évolue de façon cyclique, phénomène qui a été remarqué pour la première fois au XIXe siècle. Au début du XXe, des sociologues ont commencé à étudier cette périodicité en détail, d’abord en Europe puis en Amérique du nord. Le sujet est encore prisé de nos jours par les universitaires, qui ne cessent de chercher des indices ou des tendances à son propos.
Une analyse très détaillée de la périodicité des naissances a ainsi été récemment publiée dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B. Micaela Martinez-Bakker et Kevin Bakker, tous deux professeurs à l’université du Michigan, ont remarqué avec leurs collègues un phénomène qui était jusque là passé inaperçu: les mois où l’on observe le plus de naissances diffèrent en fonction de la latitude. Le mois le plus riche en anniversaires se situe de plus en plus tôt dans l’année à mesure qu’on s’éloigne de l’équateur pour se diriger vers le nord.
Pour les États-Unis, les chercheurs ont examiné les registres de naissances par état du Bureau du recensement en remontant jusqu’en 1931. Ils ont découvert que l’augmentation des naissances a lieu chaque année à la même période selon le lieu où on se trouve. Avant la période du baby-boom, le mois de novembre était le plus propice aux naissances en Floride. Dans l’Ohio, c’était le mois de juin.
Plus récemment, les périodes des naissances maximales par état ont changé. Les mois les plus prolifiques aux États-Unis sont maintenant plus proches de la fin de l’année, mais aussi plus rapprochés les uns des autres. Toutefois, la tendance est toujours la même: les états du nord comptent plus de naissances un peu plus tôt dans l’année que les états du sud.
«Temps de l’amour»
Cette nouvelle étude du nombre de naissances porte sur 118 pays, la plupart situés dans l’hémisphère nord, et révèle que cette tendance est aussi valable en dehors des États-Unis. De nombreuses mères françaises accouchent ainsi entre mai et juillet mais, en Guyane française, les femmes mettent au monde le plus de bébés en octobre.
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Il est difficile de trouver des données valables pour les pays de l’hémisphère sud, mais les auteurs soupçonnent que les grandes périodes de naissance suivent également une tendance qui s’accentue à mesure qu’on s’éloigne de l’équateur vers le sud. En d’autres termes, cela veut dire que les personnes qui vivent à des latitudes plus élevées conçoivent un enfant avec succès le plus souvent en automne, et que celles qui sont plus au sud le font en hiver.
Alors, est-ce que le «temps de l’amour» arrive quand les températures sont plus fraîches? Peut-être que les Canadiens le font tout le temps en automne?
Les raisons qui expliquent une conception réussie sont bien plus complexes que la simple fréquence des rapports, mais il est très plausible que les personnes aient tendance à faire davantage l’amour à certaines périodes de l’année. Un sondage de la marque de préservatifs Trojan suggère que les Américains passent plus souvent à l’acte quand il fait chaud, ce qui ne concorde pas avec le taux de naissance ou la tendance géographique. Les ventes de préservatifs sont souvent utilisées pour avoir une idée de l’activité sexuelle, mais cela devient vite problématique, pour des raisons évidentes, quand on veut s’en servir pour comprendre le taux de conception.
En revanche, il est très probable qu’une augmentation de la fréquence du sexe, protégé ou non, ait lieu pendant la période des fêtes. Par le passé, les chercheurs ont remarqué à la fois une augmentation de la vente de préservatifs en décembre et une augmentation des avortements dans les semaines qui suivent.
Considérations pratiques
D’autres comportements nous fournissent des indices pour expliquer les changements dans les périodes de naissance en fonction des latitudes. Il semblerait qu’il existe des considérations pratiques auxquelles les gens pensent avant de concevoir un enfant, qui peuvent contribuer aux tendances naturelles des naissances. Être enceinte jusqu’au cou en plein été peut être particulièrement désagréable et les couples qui souhaitent avoir un enfant seraient sages d’éviter cette situation. Une récente étude publiée par le MIT suggère que les tendances saisonnières des naissances aux États-Unis sont provoquées par les grossesses programmées plutôt que par les grossesses surprises.
Si on laisse les comportements de côté, l’environnement semble affecter la fertilité des futurs mamans et papas. Il existe une variation régulière et saisonnière de la qualité du sperme. Une étude récente a examiné plusieurs milliers d’échantillons de semence et a mesuré la concentration, la motilité et la morphologie des spermatozoïdes.
La concentration du sperme est la plus haute au printemps et la plus basse en automne. La motilité est plus importante en été et baisse progressivement au cours de l’automne. Et la reproduction, bien sûr, consomme énormément d’énergie. L’activité ovarienne semble variable selon les saisons. Une naissance réussie dépend d’une bonne gestation, et il pourrait y avoir des liens entre les fausses couches et les saisons, par exemple à cause des épidémies de grippe.
La vérité, c’est qu’on ne sait pas exactement pourquoi les humains font des enfants à certains moments et dans certains endroits. Les facteurs qu’on a cités plus haut s’ajoutent à des mystères non expliqués qui jouent sûrement un rôle très important.
Traiter des problèmes de santé publique
Mais le simple fait de pouvoir anticiper un pic de naissances à une certaine époque est déjà très intéressant. Une augmentation de la population locale de nouveaux-nés a des conséquences sur la santé publique: elle a une influence subtile sur la nature des épidémies de maladies infantiles. Quand de nombreux bébés viennent au monde à la même époque, ils sont plus susceptibles d’attraper une maladie simultanément et de transmettre cette maladie à leurs semblables.
Les données recueillies dans la nouvelle étude de Proceedings of the Royal Society B révèlent que les augmentations du taux de naissance sont très régulières d’année en année. En ayant une meilleure idée du timing géographique annuel, on pourrait mieux prévoir et gérer les problèmes de santé publique. Par exemple, une campagne pour la vaccination contre la diphtérie, la polio ou l’hépatite B (qui est censée être réalisée dans les six premiers mois de la vie) pourrait être plus efficace dans les mois qui suivent les pics de naissance.
Aux États-Unis, la Semaine nationale pour l’immunisation des nouveaux-nés, une campagne annuelle, a lieu à la fin du mois d’avril. Mais peut-être faudrait-il la décaler. À l’exception de quelques états, les grands mois de naissance aux États-Unis n’arrivent pas avant l’été. Ça vaudrait le coup de déterminer la meilleure période pour traiter les maladies et développer le système immunitaire.
Boer Deng
Traduit par Hélène Oscar Kempeneers
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