La pollution fait naître des petits bébés
On se bat encore pour savoir combien la pollution atmosphérique provoque de décès prématurés. Certaines estimations font état de 40.000 morts annuels en France; ce qui, en toute rigueur, reste à prouver. La santé environnementale est une discipline encore jeune qui doit faire ses preuves. Elle est d’autre part encore assez souvent soumise à des influences idéologiques et militantes qui nuisent parfois à sa nécessaire objectivité. Et donc à sa crédibilité.
Sans doute n’en ira-t-il pas de même avec cette étude sur l’impact de la pollution atmosphérique sur la croissance fœtale in utero. Ce travail, publié ce mardi dans The Lancet Respiratory Medicine, est original puisque les résultats sont issus de l’une des plus vastes études de cohorte européenne, une étude coordonnée en France par l’équipe de Remy Slama (Unité Inserm 823 Institut Albert Bonniot, Grenoble) travaillant en liaison étroite avec plusieurs équipes de chercheurs dans toute l’Europe (1).
Les 52 auteurs concluent que l’exposition de la femme enceinte aux polluants atmosphériques et au trafic routier augmente de manière significative le risque de retard de croissance fœtale – un constat dressé même à des niveaux bien inférieurs à ceux de la qualité de l’air tels qu’ils sont fixés stipulés dans les directives actuelles de l’Union européenne.
Or on sait que le retard de croissance intra-utérin est un élément pouvant être fréquemment associé à différentes pathologies dans l’enfance et à l’âge adulte.
Différents polluants atmosphériques ont été étudiés : dioxyde d’azote et particules fines en suspension –celles dites «PM 2,5», soit celles avec un diamètre inférieur ou égal à 2,5 micromètres. Ce sont des particules que l’on trouve notamment dans les gaz d’échappement et les émissions liées au chauffage et aux activités industrielles. Leurs concentrations dans l’air ont été évaluées durant la grossesse à l’adresse du domicile de chaque femme enceinte. Ont également été enregistrées la densité du trafic sur la route la plus proche et le volume total de trafic sur toutes les routes principales dans un rayon de 100 m autour du lieu de résidence.
Les chercheurs ont décrypté leurs données par palier de 5 microgrammes par mètre-cube (5µg/m³) d’exposition aux particules fines pendant la grossesse. Ils observent que le risque de donner naissance, à terme, à un bébé de petit poids (inférieur à 2.500 g pour un enfant né après 37 semaines de grossesse) augmente de 18% par palier. «Il est important de noter que ce risque accru persiste à des taux inférieurs à la limite annuelle actuelle fixée par les directives de l’UE sur la qualité de l’air, qui est de 25 µg/m³ pour les particules fines», observe-t-on auprès de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Le petit poids n’est pas tout. Les polluants atmosphériques, les particules fines et la densité du trafic sont aussi associés à une réduction de la circonférence crânienne moyenne à la naissance, et ce une fois éliminés les autres facteurs délétères que sont le tabagisme maternel, l’âge, le poids et le niveau d’éducation de la future mère. Les taux d’exposition moyens aux particules fines pendant la grossesse dans la population allaient (selon les zones étudiés) de moins de 10 μg/m³ à près de 30 μg/m³. Les chercheurs ont estimé que si les niveaux de ces particules étaient réduits à 10 µg/m³ (soit la valeur cible visé par l’OMS), une naissance sur cinq d’enfant de petits poids de naissance pourrait être prévenue.
Il reste aujourd’hui à savoir si cette nouvelle donne sanitaire sera ou non prise en compte dans les politiques environnementales des pays européens touchés.
J-Y. N.
Les conclusions de ces chercheurs sont solides: elles se fondent sur les données de la «European Study of Cohorts for Air Pollution Effects» (Escape – Étude européenne de cohortes sur les effets de la pollution atmosphérique). Des données massives et sans précédent puisque les auteurs ont réuni les données de quatorze études dites «de cohorte» menées dans 12 pays européens, des études incluant les données recueillies auprès de 74.000 femmes ayant accouché entre 1994 et 2011. Les grossesses multiples n’ont pas été comptabilisées du fait du risque de biais statistiques.
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