Le manque de latitude décisionnelle, un facteur de burnout chez les femmes
Les causes du syndrome d’épuisement professionnel sont différentes pour les hommes et les femmes, selon des chercheurs en relations industrielles et en sociologie de l’Université de Montréal dont les travaux sont publiés dans la revue Annals of Work Exposures and Health (AWEH).
Les hommes et les femmes sont soumis à des conditions de travail différentes, souligne Nancy Beauregard, professeure à l’École de relations industrielles et chercheure à l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail.
La chercheure et ses collègues (1) ont analysé les données de l’étude SALVEO, l’une des plus grandes recherches réalisées au Canada sur la santé mentale en milieu de travail de 2009 à 2012. Les 2026 travailleurs sélectionnés, employés dans 63 milieux de travail québécois, ont été recrutés par l’intermédiaire d’une compagnie d’assurance canadienne qui offre des régimes d’assurance collective dans plusieurs secteurs de l’économie.
L’état d’épuisement professionnel a été évalué par un questionnaire portant sur l’épuisement émotionnel, le cynisme et l’efficacité professionnelle. (Le burnout : 3 composantes, 6 facteurs)
Des conditions plus fréquentes chez les femmes
« Plusieurs femmes ont un emploi dans lequel elles ont peu de latitude décisionnelle, c’est-à-dire que leur travail ne leur procure qu’un faible niveau d’autorité et de prise de décision et il fait peu appel à leurs compétences. Ce type de travail, qu’occupent moins les hommes, conduit ces femmes à l’épuisement professionnel
».
Une estime de soi plus faible et des conflits travail-famille plus nombreux, comme le temps de travail qui empiète sur le temps passé avec leur famille ou qui prive de l’énergie dont elles ont besoin pour accomplir d’autres activités hors du travail, « sont des facteurs qui sont beaucoup plus présents chez les femmes que chez les hommes et qui mènent plus souvent les premières à l’épuisement professionnel, indique le communiqué des chercheurs
».
Le nombre d’heures hebdomadaires consacrées aux tâches dites domestiques (p. ex. faire la vaisselle ou les courses) constituerait un facteur de protection pour les femmes contre l’épuisement professionnel. « C’est l’une des conclusions de l’étude qui nous a le plus étonnés ! dit Mme Beauregard. Nous avons réalisé que plusieurs femmes utilisent les tâches domestiques comme stratégie de retrait face aux demandes du travail leur permettant de “ventiler”. À court terme, cela peut les protéger de l’épuisement professionnel. Cependant, à long terme, cela peut devenir un piège, car elles manquent ainsi des occasions d’avancement et restent confinées dans des postes à faible latitude décisionnelle.
» (Plafond de verre : les femmes acceptent trop de tâches qui n’avancent pas leur carrière)
Des conditions plus fréquentes chez les hommes
« Les facteurs menant les hommes au syndrome d’épuisement professionnel sont plus complexes et liés à l’organisation du temps : plus d’heures travaillées ou des horaires atypiques plus fréquents provoquent davantage de conflits travail-famille, ce qui a une incidence sur leur santé mentale.
»
Des points communs
« Mais certains facteurs ont le même effet sur le taux d’épuisement professionnel, peu importe le genre. Trop de demandes psychologiques, l’insécurité en emploi, le sont tous des facteurs qui conduisent autant les hommes que les femmes au syndrome d’épuisement professionnel.
» (Quatre formes de la reconnaissance au travail)
« On peut raisonnablement émettre l’hypothèse que, en présence de conditions de travail qui sont les mêmes, les hommes et les femmes connaîtraient un taux d’épuisement semblable
», avance la chercheure.
Agir sur les facteurs de burnout
« Les femmes sont épuisées de ne pas avoir de latitude décisionnelle au travail ? Pour diminuer l’absentéisme, pourquoi ne pas repenser l’organisation du travail et offrir à celles-ci des défis qui leur permettront de mettre leurs compétences à profit ? “C’est ce type de solutions qui sortent des sentiers battus qui seront plus susceptibles de briser le cercle vicieux de l’épuisement”, estime la chercheure.
»
« Bien que les sujets de l’étude fassent partie de professions et secteurs d’activité diversifiés, nous ne sommes pas en mesure de généraliser les résultats à l’ensemble de la population québécoise. C’est néanmoins un excellent départ pour comprendre l’influence du genre dans l’épuisement professionnel et trouver des solutions plus adaptées
», souligne-t-elle.
Pour plus d’informations sur le burnout et la psychologie du travail, voyez les liens plus bas.
Voyez également :
(1) Alain Marchand, Jaunathan Bilodeau, Pierre Durand, Andrée Demers, Victor Y Haines.
Psychomédia avec sources : Université de Montréal, AWEH.
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