Les femmes pourront-elles un jour ovuler toute leur vie ?
Faudra-t-il bientôt récrire les livres de biologie? Il semblait acquis depuis 50 ans que les hommes fabriquaient du sperme tout au long de leur vie tandis que les femmes disposaient au contraire dès la puberté d’un nombre donné d’ovules potentiels – des ovocytes – destiné à décroître inexorablement au rythme des menstruations successives. Des travaux sur la reproduction féminine menés par le chercheur américain Jonathan Tilly et son équipe du Massachussets General Hospital de Boston, publiés dimanche dans Nature Medicine, pourraient bouleverser ce dogme.
Les chercheurs ont en effet montré qu’il existe dans les ovaires humains des cellules souches capables de se transformer en ovocytes. Conséquence directe: il n’est pas impossible que les femmes puissent renouveler leur stock initial (environ 400.000 gamètes à la naissance). Jonathan Tilly formule cette hypothèse depuis 2004. Il avait alors montré que les souris détruisaient au cours de leur vie plus d’ovocytes que n’en contenaient leurs ovaires. Il imaginait dès lors l’existence possible d’une source de gamètes femelles qui restait à découvrir. Une intuition confirmée par une équipe chinoise de l’université de Shanghai en 2009 qui mettait au jour dans des ovaires de souris des cellules souches capables de se différencier en ovocytes.
Un long chemin avant de traiter l’insuffisance ovarienne
Jonathan Tilly a poursuivi dans cette direction. En améliorant la technique chinoise, il a passé au crible les ovaires de jeunes donneuses japonaises qui s’en séparaient dans le cadre d’un processus de changement de sexe. Un travail de grande précision puisque les ovaires contiennent moins d’une cellule souche ovarienne (OSC) pour 10.000 cellules classiques.
Ces OSC, marquées avec une protéine fluorescente verte et disposées dans des tissus ovariens, ont alors été implantées sous la peau de souris. En deux semaines, les chercheurs ont observés la formation de follicules contenant des ovocytes fluorescents, preuve qu’ils dérivaient des OSC originelles. Une réussite éclatante qui pose toutefois de nombreuses questions.
A commencer par celle-ci: ces ovocytes sont-ils viables? Pour des raisons éthico-légales, l’équipe n’a pas pu essayer de les féconder puisque la création d’embryons à des fins de recherche est formellement interdite aux États-Unis. Jonathan Tilly reconnaît lui-même qu’il y a de toute façon très peu de chances pour que l’opération réussisse. David Albertini, biologiste à l’université du Kansas, explique sur le site de Science que la culture de cellules souches in vitro conduit très souvent à des mutations indésirables. Selon lui le chemin vers des traitements opérationnels de l’insuffisance ovarienne prématurée, de la ménopause ou de la stérilité, grâce à ces cellules reste bien long.
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