Santé: prendre les escaliers au lieu de l’escalator ou l’ascenseur va-t-il me faire maigrir?
«Pour perdre une taille de pantalon et vivre jusqu’à 110 ans, ne prenez plus l’ascenseur, montez les escaliers!» De Doctissimo au maire de New York, dont la dernière trouvaille pour lutter contre l’obésité consiste à promouvoir la montée d’escaliers dans la ville par le biais d’un design urbain adapté, l’injonction fait florès.
Mais qu’en est-il vraiment? Monter les escaliers deux ou trois fois par jour a-t-il un impact réellement significatif sur votre santé, ou seulement, comme le suggère le site américain Gawker, des conséquences très marginales?
Ce n’est pas en prenant les escaliers dans le métro que vous perdrez vraiment du poids, désolée. Mais monter les escaliers est un excellent moyen de lutter contre la sédentarité, et ainsi d’éviter des risques de diabètes, d’hypertension artérielles, de stress et… oui, d’obésité.
Pour ce qui est de votre silhouette, les défenseurs de la montée des marches ne manquent pas d’arguments: les escaliers, c’est gratuit, accessible à tous, et très efficace. Mais regardons de plus près cet article du site australien weightloss, qui vante les mérites des escaliers pour vous aider à perdre du poids.
Il recommande des montées d’escaliers d’environ dix minutes, en vous arrêtant pour marcher à chaque étage, et en faisant des mouvements d’aérobic. Sérieusement, vous vous voyez faire des mouvements d’aérobic dans les escaliers du métro? Ou faire les cent pas en prenant de grandes respirations à chaque palier de votre immeuble? La montée d’escaliers recommandée ici est quasiment une discipline sportive à part entière, et non la simple bonne résolution d’arrêter l’escalator pour vous rendre au travail.
Un kilo par an?
Ne rêvez pas: cette bonne résolution, à elle seule, ne vous fera pas mincir, du moins pas significativement, et l’article de Gawker n’a pas tort en affirmant qu’en ne changeant rien à vos autres habitudes, la dépense de calories provoquée par l’ascension quotidienne des escaliers du métro vous fera perdre au mieux un kilo par an.
Compter avec exactitude les calories dépensées dans une activité physique donnée est très complexe: plusieurs facteurs entrent en compte, comme le poids de la personne, son état physique, le rythme auquel est pratiquée l’activité, etc. Néanmoins, on peut envisager une moyenne de 7 kcal à 10 kcal (en diététique, on continue à parler de «calorie» pour désigner en réalité une «grande calorie», en réalité 1.000 «petites calories», soit 1kcal) dépensées pour un étage monté en trente secondes. A ce rythme il vous faudrait donc monter entre 35 et 50 étages pour éliminer ne serait-ce que votre poulet-crudités du déjeuner. Dans ce cas me direz-vous, mieux vaux faire une demi-heure de vélo elliptique dans une salle de gym –personnellement (moi = fille de 60 kg), au bout de trente minutes, la gentille machine m’indique à peu près 300 calories éliminées.
Sauf que Gawker se trompe de combat. Une vie saine, c’est légèrement plus complexe que l’équilibre des calories ingérées et dépensées.
Les médecins nutritionnistes distinguent de plus en plus l’activité physique, ce que les profanes appelleraient le «vrai» sport, de la lutte contre la sédentarité, c’est-à-dire toutes ces petites choses qui nous permettent de ne pas rester immobiles. En effet, les évolutions récentes de notre mode de vie, telles que la diminution des tâches manuelles, les transports de masse, les ascenseurs et autres escalators (nous y voilà), ont considérablement réduit nos occasions de bouger. Or, être assis toute la journée augmente les risques d’obésité, de diabète, de maladies cardiaques, et favorise certains cancers, même pour les sportifs. Choisir de prendre les escaliers, et plus généralement de se déplacer à pied, est un bon moyen de lutter contre ce problème.
Ainsi, un médecin du sport explique prescrire à certains de ses patients âgés des montées d’escaliers sur ordonnance: ils montent autant d’étages qu’ils peuvent, descendent par l’ascenceur pour ne pas s’abîmer les genoux, et montent à nouveau quelques étages. Le but n’est pas de leur faire perdre du poids mais d’améliorer leur condition physique, et de leur redonner de la masse musculaire.
Monter les escaliers s’inscrit donc dans une hygiène de vie globale recommandée par les médecins pour préserver, non pas votre ligne, mais tout simplement votre santé. C’est dans cette perspective que l’artiste italo-américain Remo Saraceni a réalisé son «Piano Stairs», un escalier transformé en piano géant, installé dans le métro de Rennes en février 2013.
Le but de la démarche: augmenter l’activité physique tout en renforçant le lien social dans la communauté.
En outre, pas besoin d’habiter au sixième étage pour gravir dans la journée un nombre significatif de marches: si vous êtes citadin,même en vivant et en travaillant au rez-de-chaussée, si vous renoncez complètement aux escalators, vous pourrez facilement monter dix étages dans la même journée sans vous en rendre compte. Pour vous encourager, un informaticien américain a inventé le Fitbit, sorte de podomètre de luxe qui en plus de vos pas, vous indique le nombre d’étages montés dans la journées. Les résultats sont souvent surprenants! Certes, pour 99,95 euros, on s’attendrait à ce que Fitbit nous fasse aussi des blagues personnalisées, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Pour ceux qui peuvent se le permettre, il s’agit néanmoins d’un instrument intéressant.
Par ailleurs, pour les obsédés du tour de taille, prendre les escaliers présente quand même quelques avantages.
- Premier point: de toutes les activités physiques non sportives, monter les escaliers est la plus coûteuse en énergie, et elle l’est d’autant plus que votre poids est élevé. Allez, vous en perdrez quand même un peu, des calories.
- Deuxième point: les activités physiques non sportives permettent de réduire la nervosité, et donc le grignotage. Ainsi, une étude de l’université d’Exeter a montré que des accros au chocolat en situation de stress professionnel grignotaient deux fois plus si elles avaient passé le dernier quart d’heure assises, que si elles avaient marché durant quinze minutes.
- Troisième point: si monter les escaliers ne fait pas nécessairement perdre du poids, cela contribue faire à augmenter la proportion de masse musculaire sur la corpulence totale. Autrement dit, à résultat égal sur la balance, votre corps aura néanmoins perdu en graisse et gagné en muscle.
L’idée est donc d’arrêter de compter les calories dépensées et les grammes perdus, pour adopter une approche plus globale, qui met l’accent sur la lutte contre la sédentarité. Une lutte du quotidien nécessaire mais qui ne remplace par ailleurs en aucun cas une activité sportive ponctuelle. En effet, compte tenu du degré de sédentarité auquel nous conduit notre mode de vie, la cumulation de micro-activités physiques au quotidien et d’une pratique sportive plus intense une ou deux fois par semaine est loin d’être excessive.
Margaux Leridon
L’explication remercie le Docteur Dominique-Adèle Cassuto, médecin nutritionniste à Paris et auteur de Qu’est-ce qu’on mange? L’alimentation des ados de A à Z, le Docteur Dominique Lanzmann-Petithory, gérontologue, nutritionniste et médecin du sport à l’hôpital Emile-Roux dans le Val-de-Marne, auteur de La Diététique de la longévité, le Docteur Alain Thomas, médecin du sport à Toulouse, et Boris, coach sportif chez Neoness à Paris.
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