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Accusés à tort pendant des siècles: les rats ne sont pas responsables de la Peste Noire

Et si les rats n’étaient pas les responsables de la Peste Noire? Et si ces animaux que l’on a tant blâmés pendant des années n’avaient en fait rien à voir avec la propagation de cette épidémie qui a frappé l’Europe au XIVe siècle? Grâce à l’analyse de fouilles archéologiques, des scientifiques avancent cette nouvelle théorie.

A Londres, en mars, 25 corps sont déterrés, raconte le quotidien britannique The Telegraph. Douze d’entre eux sont analysés:

 «Sur les 12 corps prélevés qui ont été analysés, quatre ont été testés positifs pour la bactérie Yersinia Pestis, bien que l’on pensait qu’ils en étaient tous victimes.»

Yersinia Pestis, c’est la fameuse bactérie responsable de la peste. S’il n’y en a qu’une seule, il y a en revanche différents développements de la maladie. La peste bubonique est transmise par «la morsure d’une puce infectée en se nourrissant du sang d’un rongeur pestiféré, un rat par exemple», explique le site de l’Agence de la santé publique du Canada. C’est la forme la plus courante. Mais la peste peut également être «pneumonique»: plus mortelle, «elle se propage par des gouttelettes en suspension dans l’air lorsqu’une personne infectée tousse ou éternue, ou par le contact avec des liquides organiques infectés».

Dans nos esprits, la Peste Noire qui a sévi au Moyen-Age est associée aux rats. Et pour cause: les scientifiques pensaient, jusqu’à aujourd’hui, que cette peste était bubonique.

Mais les squelettes de Londres ont révélé de nouveaux éléments. The Telegraph détaille les découvertes de Tim Brooks, expert des maladies infectieuses au Public Health England:

«Il a identifié ce qu’il considère comme une mutation de la peste bubonique, transmise par les rats, vers une variante de la peste pneumonique.»

Cette découverte coïncide avec les hypothèses de l’équipe de Tim Brooks, qui s’étonnait de la rapidité avec laquelle la Peste Noire s’était répandue. The Guardian rappelle les faits:

«La Peste Noire est arrivée de l’Asie centrale en Grande-Bretagne à l’automne 1348, et à la fin du printemps de l’année suivante, elle avait déjà tué six personnes sur dix à Londres. Un tel taux de destruction tuerait cinq millions de personnes aujourd’hui

Voici l’explication de Tim Brooks:

«Pour qu’une peste se propage à cette allure, elle a nécessairement atteint les poumons des victimes, qui étaient malnutris et qu’ils ont ensuite transmise par des toux et des éternuements.»

Le quotidien poursuit:

«C’était donc une peste pneumonique plutôt qu’une peste bubonique. L’infection a été transmise d’humain à humain, et non par des puces de rats qui auraient piqué une personne malade, puis une autre victime.»

L’International Business Times parle d’un «fait qui pourrait réécrire les livres d’histoire». Et qui peut-être nous fera un peu moins détester les rats.

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Affaire Moitoiret: des experts psychiatres au banc des accusés

Le 22 novembre, Stéphane Moitoiret, un marginal de 44 ans, a été condamné en appel à trente ans de réclusion criminelle par la cour d’assises du Rhône. Il était accusé d’avoir assassiné, dans l’Ain en 2008, un jeune garçon alors âgé de 10 ans.

Inférieure à la réclusion à perpétuité prononcée en première instance dans l’Ain, en 2011, la condamnation est assortie d’une peine de sûreté de vingt ans. Tous les experts ont estimé que l’accusé souffrait de troubles psychotiques majeurs, mais une courte majorité d’entre eux a toutefois cru pouvoir conclure qu’il n’était pas totalement irresponsable de ses actes.

Expert près la Cour de cassation, membre de l’Académie de médecine et psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, le Pr Jean-Pierre Olié, 68 ans, est l’une des voix qui compte dans sa spécialité. Il confie être «profondément meurtri» par le comportement, les faits et les dires de certains de ses confrères commis dans cette affaire.

C’est ce qui l’a poussé à s’exprimer publiquement en des termes violents sur une affaire qui vient d’être jugée –situation rarissime dans le milieu de la psychiatrie judiciaire– en estimant en substance que cette affaire signe définitivement la faillite de l’expertise psychiatrique française. Il le dit dans un texte que cosigne Philippe Charrier, président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam) et s’en explique pour Slate.fr.

«Justice a-t-elle vraiment été rendue?»

«Stéphane Moitoiret a été condamné à 30 ans de réclusion pour un acte atroce, commis sans motif compréhensible, sur un enfant de dix ans qu’il ne connaissait pas, écrivent les deux hommes. Moitoiret a commis l’horreur, nul ne le conteste. Les jurés du Rhône, après ceux de l’Ain qui l’avaient condamné à la perpétuité en appel, ont puni à hauteur de la gravité de son crime le monstre Moitoret. La vengeance est passée, la société est rassurée. Mais justice a-t-elle vraiment été rendue?»

Pour le Pr Olié, on ne peut reprocher à des jurés d’avoir puni un acte odieux sans considérer que son auteur nécessitait de préférence une prise en charge psychiatrique. Plus précisément, ce reproche ne peut leur être fait dès lors que les différents experts commis par la justice dans cette affaire n’ont pas été capables de s’accorder sur le fait de savoir si l’accusé était pour partie responsable ou totalement irresponsable.

«Comment des experts psychiatriques sensés connaître les symptômes d’une maladie mentale peuvent-ils ne pas être capables de s’entendre sur cette question fondamentale?, demande-t-il. Comment accorder crédit à une expertise concluant à la responsabilité, en omettant que l’accusé avait fait un séjour en milieu psychiatrique plusieurs années avant l’acte horrible à l’origine de sa comparution devant une cour d’assises? Comment neuf experts ont-ils pu s’entendre unanimement sur le diagnostic de trouble psychotique et en conclure, les uns qu’il y avait ‘’abolition du discernement » et les autres simple ‘’altération » et donc responsabilité partielle?»

«Régressions de notre société en crise»

Il accuse certains de ses confrères de s’être pris «pour des philosophes» au lieu, plus modestement, «de faire leur métier de soignants». Il les accuse aussi d’avoir pu affirmer qu’en dépit de sa maladie, l’accusé gardait une part de «libre arbitre» et donc de «responsabilité», et qu’il était «justifié de le punir le plus sévèrement possible». Il ajoute que désormais, Stéphane Moitoiret aura d’autant plus de difficultés à se soumettre à des soins que la justice, et donc la société, «n’aura pas pleinement reconnu sa folie».

Pour le Pr Olié, le cas Moitoiret «signe la faillite de l’expertise psychiatrique» dans la mesure où elle est «incapable d’expliquer simplement à un jury d’assises que, même criminel, un malade mental grave doit être soigné». «En mettant Moitoiret en prison, la société conjure sa peur. La folie fait peur. Et l’adage ‘’demi fou, double peine », qu’on croyait obsolète, a repris du galon», ajoute-t-il.

Le psychiatre hospitalier va plus loin:

«Le cas Moitoiret entrera dans l’histoire des régressions dont témoigne notre société en crise. Une société aux prises avec de graves tensions économiques et sociales, plus encline à tomber dans la facilité de la vengeance qu’à reprendre à son compte les valeurs humanistes qui, dès le début du XIXème siècle, délivrèrent les aliénés de leurs chaînes. Même les Romains considéraient les fous comme déjà trop punis par les dieux pour encourir en plus la punition des hommes.»

«L’un des nœuds du problème se situe Place Vendôme»

Au-delà de ce cas d’ores et déjà emblématique, que faire? «L’un des nœuds du problème se situe Place Vendôme, déclare-t-il à Slate.fr. Les ministres de la Justice passent mais les immobilismes et les pesanteurs demeurent. La justice veut garder le pouvoir sur la nomination des experts psychiatres. On peut le comprendre. Mais on ne peut pas accepter que ce pouvoir ne soit pas éclairé par une évaluation des compétences.» Avant d’ajouter:

«On ne peut pas accepter que des experts qui ne savent plus ce que veut dire formation continue portent des diagnostics dont eux seuls connaissent la signification. Il faut reformuler la liste des questions qui sont posées par les juges aux experts. Il faut impérativement que nous puissions nous prononcer sur les traitements que l’état de santé des personnes accusées réclame et réclamera. Et il faut et que l’on cesse, par hantise contagieuse de la récidive, de vouloir nous transformer en machine à pronostic.»

Jean-Yves Nau

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