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Pourquoi la cigarette électronique est-elle interdite dans les avions?

C’est une certitude: les utilisateurs d’e-cigarettes n’exposent pas les membres de leur entourage à des taux significatifs de substances cancérogènes, de particules solides ou de gaz monoxyde de carbone. Ils peuvent en revanche les exposer à des produits chimiques irritants et à la nicotine (du moins lorsqu’ils ont recours à des cartouches qui en contiennent). Les experts indépendants estiment d’autre part ne pas être véritablement en mesure de dire si les effets des substances inhalées à très faibles doses par l’entourage sont toxiques ou non. Bien que le risque repose sur des bases scientifiques faibles, il est utile d’établir des règles pour protéger l’entourage des «vapoteurs» de ces substances.

Plus encore, il est important de faire en sorte que l’e-cigarette ne constitue pas une incitation à fumer dans les lieux non-fumeurs et ne contribue pas à un retour à la «normalisation» de l’usage du tabac dans notre société. C’est la thèse défendue en France par le Pr Bertrand Dautzenberg, spécialiste de pneumologie et de tabacologie, qui a remis un rapport sur ce thème au gouvernement.

Dans les pays qui ne l’interdisent pas, les e-cigarettes peuvent le plus souvent être utilisées dans tous les lieux publics où la consommation de tabac est interdite. C’est ainsi que les utilisateurs ne sont pas sanctionnés (et rarement interpellés) lorsqu’ils utilisent leur e-cigarette au cinéma, devant une classe d’élèves ou… dans le cabinet d’un médecin. Il existe toutefois une exception notable: les compagnies aériennes interdisent de vapoter dans les avions.

Simulation interdite

Cette interdiction est la conséquence d’une décision de l’IATA (International Air Transport Association) qui est une organisation non gouvernementale. Voici ses recommandations qui sont aujourd’hui mises en œuvre de manière systématique: l’e-cigarette et les autres articles pour simuler l’acte de fumer doivent voir leur utilisation interdite par les passagers et membres d’équipage à tout moment. Les opérateurs ne doivent pas permettre l’utilisation de tout élément qui pourrait laisser croire que fumer est autorisé à bord des aéronefs. Permettre l’utilisation de ces dispositifs à bord pourrait amener les passagers à fumer des cigarettes réelles (ou d’autres produits du tabac) et/ou à une augmentation des événements liés à des passagers indisciplinés/perturbateurs.

Les e-cigarettes peuvent cependant être acceptées à bord dans les bagages à main pour une utilisation par les passagers une fois arrivés à destination, mais elles doivent rester inutilisées durant le vol. Il est par ailleurs rappelé que les cigarettes électroniques contiennent des piles au lithium (et à ce titre ne peuvent être mises dans les bagages de soute). «Les grandes compagnies comme Air France suivent ces recommandations et l’interdiction d’utiliser la cigarette électronique est rappelée à chaque vol», souligne le Pr Dautzenberg.

L’interdiction de vapoter à bord des avions repose sur trois arguments: l’incitation à fumer des vraies cigarettes; les conflits susceptibles de naître entre passagers à propos de l’e-cigarette; les perturbations de certains capteurs de fumée. Cette interdiction n’est donc pas prise au nom de la santé et de la qualité de l’air, mais pour des raisons de sécurité et pour prévenir l’incitation à la violation de l’interdiction de fumer des cigarettes réelles. Cette mesure a été prise précocément avant que l’utilisation ne soit massive. L’expérience montre que lorsqu’elle est clairement annoncée, cette interdiction est généralement bien acceptée.

Prévenir les incidents dans le métro

Qu’en est-il des autres moyens de transport collectif? En France, dans la région parisienne, la RATP avait été très active pour contrôler l’interdiction de fumer du tabac dans les rames et dans les gares. Aujourd’hui «en attente d’une réglementation spécifique», elle a décidé de prohiber l’usage des e-cigarettes dans l’ensemble des espaces qu’elle gère (véhicules compris). Selon la direction, «permettre l’utilisation des e-cigarettes pourrait inciter à fumer des cigarettes réelles et conduire à des incidents dérangeants nos passagers».

La SNCF fait quant à elle preuve (pour l’heure) d’une relative tolérance. La possession et le transport d’e-cigarettes peuvent se faire sans limitation dans les trains, en gare et sur les quais. Mais leur utilisation pose problème, notamment à l’intérieur des voitures ou encore sur les quais non couverts, qui sont des lieux non-fumeurs.

Interdictions en Belgique, au Luxembourg et à Malte

Sur le site Web de la SNCF, on peut lire cette question posée par un internaute:

«Compte tenu qu’une cigarette électronique ne dégage pas de fumée mais de la vapeur au même titre qu’une tasse de café chaud, et que le café chaud n’est pas interdit dans les trains, peut-on utiliser sa cigarette électronique dans un train?»

Et voici la réponse apportée le 7 janvier 2013:

«Il est interdit de fumer dans les moyens de transport collectif. Sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés dès lors qu’ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s’ils ne contiennent pas de tabac. C’est le fait de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif qui est interdit, indépendamment du type de produit inhalé.»

Nul doute que l’affaire fera bientôt l’objet de longs débats linguistiques (qu’est-ce que «fumer»?) et juridiques. Peut-être même philosophiques.

Aujourd’hui (juin 2013) trois pays européens (la Belgique, le Luxembourg et Malte) ont d’ores et déjà interdit l’usage des e-cigarettes là où il était déjà interdit de fumer. La France s’apprête à faire de même. Mais pas avant 2014.

Jean-Yves Nau

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A votre santé! – Slate.fr

Pour quelles femmes la pilule est-elle vraiment dangereuse ?

Atlantico : La polémique née à la suite de la plainte d’une jeune femme accusant son traitement contraceptif d’être à l’origine de son AVC ne cesse d’enfler, tournant au procès contre la pilule. Cet acharnement est-il justifié ?

Guy-André Pelouze : Sur le plan sociétal, les complications récemment médiatisées viennent nous rappeler qu’il n’existe pas de médicament, fut-il accessible à tous et payé par la collectivité, qui ne recèle aucun risque. La pilule, contrairement à ce qui est clamé, n’est ni un bien ni un mal. Avant même d’être une idée sociétale progressiste, elle est un moyen de contraception. La seule fin, c’est l’être humain et la préservation de sa santé.

A ce sujet, il serait utile de vérifier que les récentes dispositions concernant la prise en charge par la collectivité de la pilule chez les 15-18 ans n’entrainent pas une déresponsabilisation et/ou une diminution des conseils et de la personnalisation des prescriptions. Si cette prescription est effectivement élargie à des non médecins, alors cette étude de la qualité des soins est indispensable.

Que sait-on réellement des risques que font actuellement courir les contraceptifs hormonaux ?

Dès le début, la contraception hormonale a été associée à un risque absolu de complications cardiovasculaires (phlébite et/ou embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde). Le risque absolu moyen pour les phlébites et embolies pulmonaires est de 4-8/100 000 sans pilule, 10-15/100 000 avec les pilule de deuxième génération et 20-30/100 000 avec les 3G. Ce qui signifie que le risque relatif est de 2 à 3 fois supérieur avec une pilule 2G et de 5 à 6 fois supérieur avec la pilule 3G. Quand, prenant la pilule, on porte une mutation du facteur V de la coagulation, ce risque passe à 285/100 000. Le risque relatif d’AVC est de 1,4 à 2,2 et celui d’infarctus du myocarde est de 1,33 à 2,28 sous pilule dans la plus récente étude de 2012.

Ce risque est difficilement prévisible dans sa composante génétique alors qu’il est bien identifié en ce qui concerne la composante acquise, c’est à dire le tabac fumé et l’obésité. En d’autres termes, les femmes qui fument et sont en surpoids prennent un risque certain de complications cardiovasculaires avec la pilule, alors que celles qui ne fument pas et ne sont pas en surpoids ne prennent qu’un risque très faible essentiellement en fonction de leur prédisposition génétique. Mais parce que ce risque moyen est faible, il a été jugé acceptable au regard des bénéfices en terme de qualité de vie et les différentes pilules ont obtenu des autorisations de mise sur le marché. Ceci ne signifie en rien qu’il n’existe pas.

Ce risque est-il tellement accru par les troisième et quatrième générations de pilule qu’il faille envisager, comme l’a indiqué Marisol Touraine, leur retrait ?

Dès fin 1995, certains travaux ont pointé le risque augmenté de phlébite et d’embolie pulmonaire avec les pilules de troisième génération qui permettent d’améliorer la tolérance sur d’autres aspects chez certaines femmes. Ainsi, cette nouvelle génération de pilules présentait le paradoxe d’être mieux tolérée sur le plan fonctionnel et métabolique tout en augmentant le risque d’accidents vasculaires. Ceci semble aussi être le cas des pilules de 4ème génération. Toutefois les résultats de la littérature scientifique sont très complexes à analyser car les études en matière de survenues de complications cardiovasculaires sont très différentes en fonction des différentes combinaisons hormonales testées ou bien de la complication recherchée.

Faut-il les dérembourser ?

Sur le plan médical, le non remboursement des pilules 3 et 4G est une mesure infondée car la dépense d’argent public ne peut résider sur des comparaisons statistiques aussi ténues. A vrai dire cette économie est bienvenue pour financer la « gratuité » décrétée pour une classe d’âge. Il serait plus fondé d’insister sur l’incompatibilité du tabagisme et de la pilule mais aussi des risques ajoutés par l’obésité et le diabète. Les prendre en compte permet non seulement de diminuer les complications de la pilule mais de prolonger la vie des femmes en saisissant cette opportunité de prévention en santé publique.

Peut-on parler de défaillance dans les cas de complications aujourd’hui médiatisés ?

Les affaires actuelles apparaissent plus comme la résurgence juridique de complications possiblement sous-estimées que comme de vraies nouvelles scientifiques – les premiers signalements datent en effet de 1996.

Les nouveaux moyens de diagnostic permettent aujourd’hui mieux qu’hier d’établir un lien de cause à effet entre des anomalies, en particulier génétiques, de la coagulation, la prise de la pilule et l’accident thrombo-embolique (AVC, infarctus, phlébite ou embolie pulmonaire). Ainsi les femmes sous pilule victimes d’une complication grave en raison d’une anomalie génétique de la coagulation ont le sentiment que cette complication aurait pu être prévenue si un test génétique leur avait été proposé, ce d’autant qu’elles prenaient une pilule dont le taux de complications cardiovasculaires est réputé plus élevé. Ce sentiment est légitime, même s’il est difficile de trouver une solution médicalement efficace et économiquement soutenable – les anomalies, de surcroit, ne se résumant pas aux deux plus fréquentes.

En tout état de cause, résumer les problèmes actuels à une prescription trop fréquente de pilules de 3 et 4ème génération ou à une insuffisance médicale des généralistes n’est basé sur aucune preuve.